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“Coopérer, pour mieux rénover ” concept et application pratique 

Avant de commencer, nous allons vous raconter une histoire…  
La voyageuse et les tailleurs de pierre 

C’est l’histoire d’une voyageuse qui marche.  Sur son chemin, la voyageuse rencontre un premier tailleur de pierre. Celui-ci tape la pierre avec son marteau et son burin d’une façon très mécanique. Il semble fatigué, son regard est sombre et triste. La voyageuse lui demande ce qu’il fait, le tailleur de pierre lui dit : « Je taille une pierre ».  

La voyageuse continue de marcher et rencontre un second tailleur de pierre qui fait exactement le même travail avec les mêmes outils : une pierre taillée avec un burin et un marteau. Mais la voyageuse remarque que ce tailleur de pierre a un petit sourire, il sifflote de temps en temps, il exécute cette tâche avec plus de joie, plus de bonheur, et il le fait d’une façon moins mécanique. Il semble même prendre plus de plaisir à la tâche. Comme le précédent, la voyageuse lui demande : «Mais qu’est-ce que vous faites ?» et le tailleur de pierre lui répond : «Je taille une pierre pour construire un grand mur». 

Sur ces mots, la voyageuse reprend la route et s’approche d’un troisième tailleur de pierre qui, lui, est super heureux, il est radieux, il chante. La fatigue ne s’aperçoit pas sur son visage, alors qu’il est en train de tailler des pierres avec les mêmes outils et techniques que les deux premiers tailleurs de pierre. Quand le voyageur lui demande ce qu’il fabrique, lui, prit un sourire, un sourire radieux, regarda la voyageuse et lui dit : «Je suis en train de construire une cathédrale*».  

*comme c’est un conte de 2024, la cathédrale est laïque évidemment, elle célèbre la beauté et la magie de la nature vierge de la région PACA 

Morale de l’histoire, coopérer, c’est être co-auteur d’une œuvre commune, participer à quelque chose de plus grand que soi. 

Chez Ressorts, notre cathédrale laïque c’est d’œuvrer pour une habitat zéro impact négatif avec zéro galère à payer ses factures. Pour y arriver, on croit profondément à la coopération entre les acteurs du bâtiment.  

Mais concrètement, ça veut dire quoi coopérer ? Est-ce que ça veut dire avoir un compte commun ? S’associer ? Se prêter nos machines ? Jusqu’où on pousse la coopération dans un univers entrepreneurial concurrentiel ?  

On était un peu paumés sur ces questions alors on a décidé de prendre un peu de recul et d’explorer le concept de coopération dans notre secteur.  

Dans ce document, on vous livre nos conclusions : 7 principes d’action organisés autour du prisme créé par l’Institut des Territoires Coopératifs. Chaque principe d’action contient 2 logiques différentes, parfois complémentaires et parfois opposées. La coopération nait entre ces deux logiques, et, spoiler, le dialogue et le temps sont toujours nécessaires.   

7 principles of cooperation in the building renovation sector 

Source : the Institute of Cooperative Territories (InsTerCoop) 

Rôle et Identité

Le principe  

Coopérer nécessite de discerner la différence entre son rôle (dans une entreprise, une structure, un projet) – ce qu’on fait - et son identité en tant qu’individu riche d’humanité, de valeurs et de croyances – ce que nous sommes.  En effet, «ce ne sont pas les rôles qui ont des choses à dire, mais les personnes.» (InsterCoop).  

Au-delà de ça, il semble aussi nécessaire de partager aux autres ses émotions, revenons simplement à la racine du mot– ce qui qui nous met en mouvement. C’est identifier ses moteurs, ce qui nous motive. Partager ses moteurs, ce qui nous fait nous lever le matin, ne peut que nourrir ou approfondir des liens de confiance entre les acteurs qui œuvrent ensemble. 

Appliqué à la rénovation     

Pour le secteur du bâtiment, on sait l’importance des relations humaines et de la confiance qui nait dans la construction d’un projet. Alors avant de se lancer, on peut prendre le temps de partager l’identité commune du projet entre les parties prenantes : mettre en lien ce que chacun souhaite et peut apporter, autant de par son identité que son rôle.  

Une conversation pour réunir identité et rôle pourrait ressembler à :  

Je participe à ce projet parce que…  

… Je suis stimulé(e) par l’idée de mener un projet innovant… 

… J’apprécie de travailler avec les organisations participantes, en qui j’ai confiance…  

… Je souhaite répondre aux défis de la décarbonisation de l’industrie…  

Diversité et Unité  

Le principe  

La construction d’un projet commun est le résultat de finalités et d’objectifs différents, et ne doit pas faire oublier les singularités de chacun. Bien sûr, nous voulons rénover à grande échelle, mais en attendant, nous avons besoin de l’implication d’une multitude de compétences pour y parvenir. 

Appliqué à la rénovation  

Les groupements d’entreprises sont un bon exemple de recherche d’union qui rassemble une diversité d’expertises complémentaires pour former une offre de rénovation globale de qualité. On a besoin de chaque entité pour former un tout solide.  

Comme exemple, nous pouvons prendre un groupement d’entreprises mais également réfléchir en logique de solution globale. Un panneau de façade préfabriqué est une unité complexe, performante. Il est composé d’une diversité d’expertises et de matériaux. La somme de cette diversité d’acteurs qui coopèrent pour réaliser le panneau est la grande force de la construction hors-site. 

Objectifs et contraintes 

Le principe  

« La capacité à imaginer des solutions dépend de la capacité à ne pas se laisser enfermer dans les problèmes. » (InsterCoop).  Nombre de fois, le projet va être perturbé par des obstacles et des aléas qui peu à peu auront tellement de poids et d’importance qu’on ne finira pas ne voir qu’eux. Ces obstacles opérationnels ne doivent pas occulter les objectifs fixés qui sont à atteindre. Ici, la coopération repose fortement sur un dialogue constant entre les contraintes opérationnelles et les objectifs à atteindre.   

Appliqué à la rénovation

Nous sommes conscients que les contraintes liées à la rénovation de logements sont inhérentes au projet. L’enjeu est de rendre visible auprès des autres membres du groupement d’entreprises : «Je ne tiens pas les prix annoncés», «j’ai du retard sur telle fabrication», « j’ai besoin d’aide sur tel sujet». Justement, c’est le partage qui débloque des obstacles et crée du lien de confiance. Et c’est par la discussion que des partenaires travaillant ensemble pourront prendre du recul, surmonter les contraintes et rester alignés sur les objectifs de maintien de la performance de la rénovation.  

Aller vers et lutter contre  

Le principe  

ALERTE. On arrête tout. A lire avec attention, c’est pour nous le point le plus marquant.   

On ne le rappellera jamais assez : définir son intention dans tout projet simplifie grandement le processus de coopération avec ses pairs.  

Naviguer ensemble et construire une œuvre commune nécessite de se tourner dans la même direction, dialoguer et trouver des consensus pour permettre de se rejoindre et faire ensemble. Se diriger et aller vers le même objectif.  

Un projet de coopération est un projet en soi qui demande du temps et du partage de tous et toutes. Lutter contre les propositions ou améliorations, c’est être le vent contraire qui ne fait que ralentir le processus.  

Voici 4 exemples de postures de coopération possibles vis à vis d’un projet de coopération, une action ou une personne (merci l’école de la coopération Fertîles) : 

« Je fais avec : nous cocréons ensemble, nous faisons ensemble 

« Je suis pour » : je soutiens, je donne de l’énergie, j’appuis, je diffuse  

« Je suis contre » : je bloque, je refuse, je fais échouer 

« Je suis sans » : je laisse passer, je ne donne pas mon énergie 

Appliqué à la rénovation  

L’enjeu d’ampleur auquel fait face le secteur du bâtiment est de travailler ensemble pour aller vers des rénovations performantes et des groupements où tout le monde est embarqué sur le même bateau (maitrise d’ouvrage, bureau d’études, entreprises générales, industriels…). On travaille ensemble, on co-labeur.  

A l’inverse, collaborer pour un même projet mais refuser des propositions sans les enrichir, ne pas soutenir ses pairs, alors que nous avons vraisemblablement les mêmes objectifs… Tout cela fait perdre du temps et complexifie les projets. 

Coopérer, c’est l’occasion de se tourner dans la même direction, offre et demande, rendre visible ses contraintes, pour co-oeuvrer : bâtir ensemble une société zéro carbone et zéro galère à payer ses factures.   

Concrètement, c’est de passer du systématique «oui, mais…», qui est un refus, un blocage – au «oui, et…», travail ensemble, soutien, amélioration. Toutefois, on ne bannit pas toutes les luttes et les blocages, ils sont nécessaires pour provoquer le changement.  

Organique et planifié  

Le principe  

On comprend organique ici comme une façon de travailler où la place de l’instinct et la confiance est grande. Et bien sûr, tout projet de coopération demande également une part de planification.   

Appliqué à la rénovation  

On peut faire le parallèle avec la garantie de performance sur de longues durées qui nécessite de prévoir et anticiper un cadre de coopération et de prise de décision clair. Par exemple, ces garanties se déroulent sur plusieurs années, il est donc impossible d’anticiper les évolutions liées au contexte (politique, éco,). Une certaine adaptation est nécessaire, une forme de coopération organique qui viendrait compléter une planification rigoureuse.  

Et si cette adaptation face à des enjeux globaux et inédits était la définition même de la résilience ? 

Agir ensemble, penser ensemble  

Le principe  

Penser ensemble permet d’agir ensemble autrement. C’est partager ses actualités, ses doutes. C’est passer du « je fais pour » au « je fais avec ». C’est expérimenter au quotidien un mélange de réflexion et d’actions concrètes.   

Appliqué à la rénovation  

Un projet de rénovation énergétique est la rencontre entre des entreprises qui font et des entités techniques qui pensent le projet. Pour travailler ensemble, elles doivent créer des ponts entre leurs activités pour se rejoindre tout au long du projet de rénovation, du diagnostic initial jusqu’aux tests d’étanchéité voir même sur toute la phase de garantie de performance énergétique suite à la livraison. Cette connexion permet de tenir compte, dès la conception, des enjeux et savoir-faire de chaque corps d’état. L’enjeu de la rénovation est un enjeu d’ampleur qui demande un travail de tous les corps et leur coopération constante, de l’élaboration de croquis jusqu’à la réalisation du chantier.  

Transformation personnelle, transformation sociale 

Pour finir, nous avons vu que la coopération et notamment le dialogie constant amorce la transformation d’une personne, d’une structure, d’une entreprise et même d’un groupement d’entreprises ou de partenaires.  

On propose d’élargir cette vision et de voir qu’au-delà, c’est une foule d’individus du secteur du tertiaire, de l’industrie, des collectivités, qui, à l’échelle d’un territoire, agissent et construisent ensemble.  

Au-delà de leurs ambitions personnelles, les pionniers de l’habitat font en permanence l’exercice de décentrage et de prise de recul, à l’image d’un vol en montgolfière qui prend de la hauteur pour changer de perspective et identifier des voies de transformations sur son territoire.  

Quelles compétences sont nécessaires ? Quelles matières premières sont disponibles ? Quelles solutions sont existantes ? Avec quelles structures je pourrais coopérer pour avancer ensemble 

Chez Ressorts, depuis notre montgolfière, au travers des projets européens, c’est de cette façon que nous espérons contribuer à transformer la filière du bâtiment vers un futur souhaitable pour tous et toutes. Transformer la filière en œuvrant collectivement de lutter ensemble contre la précarité énergétique et le changement climatique.   

Et vous, comment organisez-vous la coopération dans vos projets ?  

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Cet article a été écrit par les équipes Ressorts dans le cadre du déploiement de la démarche Energiesprong en Europe et plus spécifiquement au travers du projet Life Cosme Reno qui a pour ambition de développer la coopération entre les PME du bâtiment pour un Habitat Net Zéro. 

Merci encore à Anne et Patrick pour leur feu vert et à Sandrine Abayou pour les illustrations qui parlent d’elles-mêmes, on référence leur travail ici.

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